“De toute façon, ton cheval le fait juste pour la bouffe”
“Avec mon cheval, ça fonctionnerait jamais, il penserait juste à s’empiffrer”
Et si en fait… Les chevaux appréciaient de travailler pour obtenir leur nourriture ?
Alors ok, on va mettre les choses en perspective directement : entre dérouler une reprise de Grand Prix pour une carotte et obtenir une carotte gratuite, la plupart des chevaux vont préférer la carotte gratuite. Entre travailler pour une poignée de bouchons de foin et une mangeoire pleine d’un aliment concentré plein de sucre et hyper appétent, c’est aussi probablement la seconde option qui va gagner.
Mais dans cette publication, on va parler de ce qui est comparable.
La préférence pour l’effort (ou recherche active de nourriture - “contrafreeloading” en anglais) fait partie du répertoire comportemental de la plupart des espèces, pour la simple et bonne raison qu’être capable de chercher sa nourriture est une question de survie. La Nature est bien faite, si le cerveau trouve de la satisfaction à fourrager, alors l’individu ne va pas mourir de faim une fois qu’il aura fini de manger ce qui se trouve à ses pieds.
C’est lors du travail en renforcement positif qu’on peut le plus souvent observer ce comportement dans un contexte d’entraînement. Le cheval, ayant à disposition du foin, ou les mêmes récompenses que celles distribuées par l’humain, participe activement à l’entraînement, répond aux codes et cherche les réponses afin d’obtenir la nourriture, plutôt que de se désintéresser de la situation et d’aller manger seul.
On constate aussi cette préférence pour l’effort lors des exercices d’enrichissements : s’ils sont offerts à un cheval qui a accès à du foin à volonté, il va le plus souvent délaisser son foin pour aller farfouiller dans l’objet, l’investiguer, et en sortir sa nourriture. Comme plusieurs commentaires l’ont mis en évidence sur la publication précédente, ça peut même être le cas pour des chevaux qui préfèrent la stimulation du foin en filet, plutôt que le foin en vrac.
Ce phénomène est naturel, et a été observé chez de nombreuses autres espèces que le cheval : oiseaux (pour qui il a été beaucoup plus étudié que chez les mammifères), chèvres, vaches, girafes, … sauf, semblerait-il, chez les chats qui eux préfèrent plus souvent la nourriture en libre accès plutôt que de devoir faire l’effort ! Ces observations n’ont cependant été faites que sur des animaux domestiques, ou sauvages vivant en captivité, ce qui indiquerait que ce n’est pas un conditionnement dû à l’entraînement, mais plus probablement aux limites que la captivité pose au fait d’utiliser pleinement les comportements naturels de l’espèce et… d’être au contrôle de son environnement ! On en revient sur l’importance du contrôle en tant que nécessité biologique.
Évidemment, la préférence pour l’effort à ses limites. Qui dit nécessité biologique, dit aussi survie : un animal affamé ne va pas dépenser de l’énergie à travailler pour une nourriture qu’il peut obtenir sans effort. Il est aussi peu probable d’observer ce type de comportement pour une forme d’effort qui ne permet pas au cheval une stimulation sensorielle qui est renforçante et utile biologiquement parlant. Pour le dire platement : il est plus probable d’observer la préférence pour l’effort avec un objet d’enrichissement, que sur un triple à 1m30. Finalement, il y a aussi une part de variation individuelle : comme chez l’humain, certains chevaux sont naturellement plus motivés que d’autres !
Néanmoins, ce phénomène permet de tordre le coup aux idées préconçues comme “si je lui laisse le choix, il ne va rien faire” ou “si tu utilises de la nourriture en entraînement, tu deviens juste un distributeur automatique pour ton cheval”. Utiliser la nourriture à l’entraînement, c’est aussi s’ancrer profondément dans les besoins biologiques de son cheval.
Rosenberger, Katrina, and M. Simmler. "Goats Work for Food in a Contrafreeloading Task." Scientific Reports 10, no. 1 (December 2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-78931-w.
Inglis, I. R., Bjorn Forkman, and John Lazarus. "Free Food or Earned Food? A Review and Fuzzy Model of Contrafreeloading." Animal Behaviour 53, no. 6 (June 1997): 1171-1191.
Sasson-Yenor, Jacinthe, and David Powell. "Freeloaders, Contrafreeloaders, and Opportunists: Giraffe Preferences for a Feeding Enrichment Device." Paper presented at the International Symposium on Zoo Animal Welfare, Brookfield Zoo, August 2018.
“Contrafreeloading in Horses | Horse Training and Enrichment” https://enrichingequines.com/contrafreeloading-in-horses-horse-training-and-enrichment/ (31-12-2023)