L'attachement

L'attachement

Mardi, Septembre 17, 2024

Récemment, j’ai vu passer de nombreuses publications sur les réseaux sociaux concernant l’attachement et le lien émotionnel entre le cheval et l’humain. Ces publications relancent souvent le débat R+/R- d’une façon que je trouve un peu triste.

Est-ce qu’on peut avoir une belle relation avec un cheval entraîné en R-, pour autant que celui-ci soit pratiqué de façon cohérente, éthique et sans montée en pression ? Je pense que oui. Peut-on pourrir la relation avec son cheval avec du R+ mal organisé, peu cohérent ou basé sur le chantage alimentaire ? Je suis certaine que oui.

La façon dont nous entraînons les chevaux va nécessairement teinter la façon dont ils nous perçoivent, surtout quand nous ne vivons pas à leurs côtés 7j/7, et 24h/24, mais peut-on vraiment faire le raccourci de parler connexion et relation uniquement sur base de notre façon de travailler ? Je ne pense pas.

Alors les chevaux sont-ils attachés à nous ? Je n’en sais rien, et si on regarde la science derrière tout ça, on n’en sait pas grand chose non plus. En psychologie, la théorie de l’attachement parle de liens émotionnels forts entre deux êtres, particulièrement lorsque l’un comble les besoins de l’autre (nourriture, eau, sécurité, confort, etc), rendant ainsi son développement possible. Si l’humain contribue à combler les besoins du cheval, il ne suffit cependant pas et dans la plupart des cas, il faudra de toute façon une combinaison de plusieurs humains.

Ce qu’on sait est limité à des “symptômes” plutôt que des vérités établies, tels que: 

  • les chevaux peuvent se tourner vers l’humain pour trouver du réconfort, mais la familiarité avec l’humain ne semble pas jouer un rôle,
  • le travail en renforcement positif augmente la recherche de contact du cheval vers l’humain, mais sans différence entre le gardien et un inconnu
  • des chevaux témoins d’une interaction négative entre un humain et un autre cheval vont approcher cet humain-là en premier, plutôt que l’humain qui a eu un acte plaisant envers un autre cheval,
  • les chevaux peuvent faire la différence entre notre joie et notre colère, et adaptent leur comportement en fonction
  • les chevaux sont des animaux collaboratifs, et qui cherchent avant tout à préserver la cohésion et le calme dans le groupe et que de ce fait, ils peuvent intervenir pour promouvoir l’apaisement,
  • la familiarité (et donc la relation préexistante) avec un individu n’a pas spécialement d’impact sur le succès d’un nouvel apprentissage, sauf en cas de stress,
  • les chevaux expriment leur attachement avec des comportements différents de l’humain, préférant la proximité et la synchronisation des activités plutôt que le toucher

Le problème de certaines de ces études, c’est qu’elles ne nous permettent pas vraiment de savoir si ce dont nous sommes témoins est de l’attachement. Les comportements sont-ils générés par des motivations que nous ne comprenons pas ? Par une volonté d’apaiser l’humain pour préserver la sérénité ? Par un attachement émotionnel tel que nous le comprenons en tant qu’humain ? Les résultats prennent-ils suffisamment en compte le type de relation de l’humain et du cheval avant l’étude ? Les résultats sont-ils biaisés par le stress que certaines de ces expérimentations peuvent causer ?

Mais en fait, pourquoi est-ce qu’on se pose autant ces questions ? Si on retourne la définition de l’attachement, quel besoin nos chevaux comblent-ils pour nous ? Notre attachement envers eux est-il aussi gratuit qu’on aimerait le croire, ou avons-nous besoin de cette réponse pour justifier certaines de nos activités ? Une étude de 2014 mettrait en évidence que les entraîneurs plutôt orientés R+ présentent plus souvent des formes d’attachement dites “évitantes” tandis que les entraîneurs plus traditionnels ont plutôt un attachement “anxieux”, ce qui laisse sous-entendre que les entraîneurs R+ seraient plus souvent prêts à laisser à leurs chevaux une certaine indépendance et la liberté de dire “non”, par rapport aux entraîneurs traditionnels. Mais cette étude serait-elle réplicable à large échelle ?

Personnellement, je n’essaie pas de déterminer si mon cheval m’apprécie. Il trouve un intérêt à ma présence et je tente de combler ses besoins au mieux, et de toujours placer les siens au-dessus des miens. C’est ma responsabilité et mon contrat moral envers mon cheval, et je trouve que c’est déjà un sacré travail.

C. Ijichi, et al “Stranger danger? An investigation into the influence of human-horse bond on stress and behaviour” in Applied Animal Behaviour Science., 206 (2018) https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168159118301023 

DeAraugo et al. “Training methodologies differ with the attachment of humans to horse”  in Journal of Veterinary Behaviour, 9 (2014) https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S155878781400063X 

Larssen, R., Roth, L : “Regular positive reinforcement training increases contact-seeking behaviour in horses” in Applied Animal Behaviour Science 252 (2022). https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168159122001095 

Larssen, R. “Can Horses Love Us?” https://theequineethologist.substack.com/p/can-horses-love-us 

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