Cas pratique - Préparer la tonte et l'échographie

Cas pratique - Préparer la tonte et l'échographie

Vendredi, Août 15, 2025 cas-pratique r+ tonte medical-training

Cet article présente le cas particulier de Pastor dans son apprentissage de la tonte en vue de manipulations vétérinaires et d'une échographie du tendon.

Intro

Mi-juin 2025, je retrouve Pastor au pré avec un énorme poteau sur l’antérieur droit. Il ne boite pas, ne semble pas douloureux, et aucune plaie ne pourrait faire penser à une lymphangite. L’échographie des tendons et du genou est de rigueur.

Travailler l’apprentissage de la tonte était sur ma longue to-do liste depuis longtemps et ce jour-là, j’ai regretté de ne pas l’avoir fait. Interdit de pré en attendant que la vétérinaire arrive, obligation d’aller au box parce que le soleil ne permet pas de faire l’écho en extérieur, Pastor est déjà suffisamment stressé par cette journée inhabituelle.

L’arrivée de la tondeuse fait déborder le vase (voir article sur la charge allostatique). On ne s’en sortira finalement que grâce au masquage* via une énorme quantité de carottes. Pas exactement la façon dont je veux voir les soins vétérinaires se passer, même si heureusement le masquage a été efficace et on s’en est sortis sans blessure comportementale.

* Dans le contexte de l’apprentissage et du comportement, le masquage décrit une situation où un stimulus plus saillant ou plus marquant éclipse ou affaiblit l’influence d’un stimulus moins saillant sur la réponse d’un individu. Essentiellement, le stimulus le plus fort capte davantage l’attention et l’apprentissage, ce qui rend difficile pour l’individu d’apprendre ou de réagir au stimulus plus faible.

Les problématiques à aborder

  • Le toucher : Pastor n’a pas de problèmes avec le fait d’être touché, mais il reste méfiant des objets inconnus. Il faut donc l’habituer à l’objet tondeuse.
  • Le bruit: sa première expérience avec la tondeuse a potentiellement eu un effet de sensibilisation, particulièrement au niveau du bruit, qui l’avait visiblement inquiété dès le début.
  • La sensation de la tonte : il est globalement sensible et plutôt chatouilleux (ce qui est aussi un avantage car il adore être gratté) mais les vibrations et la coupe du poil sont des stimuli auxquels il va devoir s’habituer
  • L’immobilité : tant la tonte que l’échographie sont des manipulations qui durent un certain temps et qui ne peuvent pas nécessairement être interrompues
  • Le box : c’est notre seule zone intérieure à la pension, et si le soleil brille le jour de l’échographie de contrôle, nous n’aurons pas le choix que de la faire au box.

Partie 1 - Le toucher et le bruit

J’ai choisi d’aborder le bruit en premier, afin de ne pas risquer de situation catastrophe au cas où j’allumerai la tondeuse sans faire exprès, en étant proche. Même si c’est un risque un peu improbable (et j’aurais pu retirer la batterie de la tondeuse pour l’éviter, mais j’avoue que je n’y ai pensé qu’en écrivant cet article), c’est en envisageant tout ce qui pourrait tourner de travers qu’on peut au mieux éviter les inattendus.

J’ai opté pour un mixte de désensibilisation systématique et de renforcement positif, afin d’accélérer la procédure, car j’ai une date limite pour la réussite de ce protocole. Les étapes sont relativement simples:

  • A grande distance de Pastor, et en contact protégé (lui au pré et moins en dehors, afin d’éviter qu’il ne me colle aux basques) j’ai visiblement présenté la tondeuse et l’ai allumée.
  • Je me suis approchée jusqu’à observer des signes qu’il avait entendu le bruit. J’ai laissé passer quelques secondes.
  • Je coupe la tondeuse, et je m’approche pour lui donner une récompense alimentaire.

J’ai progressé de la sorte jusqu’à pouvoir me placer à 1m de lui, sans signes de fuite. Le bruit l’a longuement intrigué, c’est une des raisons pour lesquelles j’ai toujours nettement levé la tondeuse avant de l’enclencher, afin qu’il ait un repère visuel et ne soit pas surpris par le bruit.

J’ai procédé de façon similaire pour la découverte de l’objet tondeuse; après lui avoir simplement présenté la tondeuse et lui avoir donné la possibilité de l’explorer avec son nez. Par sécurité, j’ai placé le sabot “longs poils” lors des premières séances afin qu’il n’ait pas accès au métal. Il y a rapidement trouvé de l’intérêt, car il adore les gratouilles et les longues dents de la tondeuse remplissaient parfaitement ce rôle !

Partie 2 - La sensation de tonte et le code de départ

J’ai déplacé le travail dans la carrière, pour plusieurs raisons:

  • Eviter la protection de ressources et le fait que le reste du troupeau s’en mêle, pour un travail où le timing, l’observation et la prise de distance sont essentiels
  • La carrière se trouve au milieu des prés, on garde donc l’apport social de la présence des copains
  • Cela préserve tant sa capacité à bouger, nous permet à tous les deux de prendre de la distance
  • Il a accès à l’herbe

C’est dans cette partie que j’ai également commencé à introduire le code de départ. Lors de l’habituation au bruit de la tondeuse, je ne cherche pas forcément un signe de sa part. En effet, aucune action n’est faite sur lui et je n’attends pas non plus de lui qu’il propose une action spécifique. Par contre, le fait d’être touché avec une tondeuse en marche amène un élément potentiellement aversif : on ne peut pas s’habituer à une sensation physique sans en faire l’expérience, et on ne peut pas non plus forcément contreconditionner toutes les sensations. Par exemple, personnellement, je tolère très bien les injections, mais aucune quantité de chocolat ne me fera jamais apprécier la sensation de la piqûre.

Le code de départ me permet donc de valider que non seulement, il a conscience que je m’apprête à faire quelque chose sur lui (ce qui est particulièrement important lorsqu’il broute), mais surtout qu’il l’accepte. 

J’ai donc commencé par lui présenter la tondeuse, attendre qu’il fasse un mouvement de tête dans ma direction (et celle de la tondeuse), sans forcément chercher à ce qu’il la touche. J’ai ensuite cliqué et récompensé.

L'importance de diviser les stimulus

Dans un premier temps, je me suis limitée à présenter la tondeuse en marche proche de son avant-main et devant lui. J’ai ensuite testé différents angles d’approche, en reprenant toujours de la distance. En effet, pour la plupart des chevaux, la proximité tolérée au niveau du nez, de l’épaule, des hanches ou de la croupe ne sera pas la même (du moins, pas immédiatement). J’ai donc validé, une à une, les étapes suivantes:

  • Approche avec la tondeuse en main des deux côtés et vers toutes les zones de son corps.
  • Rester immobile avec la tondeuse en main, l’approcher de son corps et simuler le mouvement de déplacement de la tondeuse, sans le toucher
  • Rester immobile, le caresser d’une main, tout en faisant le même mouvement avec la tondeuse.
  • Le caresser d’une main et le toucher avec la tondeuse en marche, simultanément, jusqu’à retirer la caresse de la main et “caresser” uniquement avec le corps de la tondeuse.
  • En utilisant les sabots de plus en plus courts, amener le mouvement et la sensation de tonte en “grattant” le sabot dans le poil

Le fait qu’il ait eu accès à l’herbe durant cette partie peut avoir eu un effet de masquage. Néanmoins, le code de départ clair (et qu’il ne donne pas toujours) limite ce risque car le choix de l’interaction est validé. Lors du masquage, on cherche à avoir un stimulus A beaucoup plus salient que le stimulus B, afin que le cheval ne porte pas du tout attention au stimulus B. Ce n’est pas ce qui se passe ici.

Partie 3 - L'immobilité et la tonte de la jambe

Lors de la phase d’habituation aux bruits et aux sensations de la tondeuse, je n’avais pas de problèmes à ce que Pastor choisisse de s’éloigner ou se déplace peu à peu tout en broutant. Cependant, ce n’est pas compatible avec mon but final : tant pour la tonte d’un membre que pour l’échographie, j’ai besoin qu’il soit immobile.

J’ai donc déplacé la phase 3 de ce travail dans la cour, qui est également l’endroit où se font de préférence les soins vétérinaires (notamment parce que pour l’échographie, on a besoin d’ombre et d'électricité).

L’immobilité n’est ici pas vraiment un élément qui a dû être travaillé, c’est un comportement connu et maîtrisé par Pastor,  tout comme les routines de renforcement différentes : être nourri à la main, dans un seau, aller lui-même vers le seau (ou la mangeoire) pour récupérer sa récompense après un clic. J’ai tout de même beaucoup répété ces étapes au fil du travail, car elles sont faciles pour lui, ce qui permet de faire des “pauses actives” entre les répétitions plus difficiles de la tonte sur la jambe.

Là aussi, on a divisé les étapes

  • Revalider le code de départ (signe de la tête vers la tondeuse, allumage de la tondeuse, je me déplace avec la tondeuse en marche)
  • Mouvements avec la tondeuse en marche tout autour de lui
  • Aller m’accroupir proche de sa jambe, puis toucher sa jambe avec la tondeuse en marche

Gérer le "non" et les aspects désagréables

Travailler sur la tolérance de manipulation aversive (rappel, la définition de ce qui est aversif est propre à chaque cheval) suppose qu’on doive gérer une ligne grise de ce qui est acceptable à chaque instant pour l’individu cheval qu’on a en face de nous. Si je ne lui ai pas toujours donné 100% de choix (à nouveau, car nous avons une date limite et le jour J, il devra faire cette échographie, et il doit être tondu pour), j’ai préservé sa coopération avec les éléments suivants:

  • Nourrir “gratuitement” s’il ne donne pas le code de départ, et revenir à une étape plus simple
  • Nourrir dans la mangeoire pour l’écarter de moi et lui donner la possibilité de soit revenir et reprendre le travail, soit rester à distance et manger sans être dérangé. 
  • Régulièrement cliquer et récompenser simplement pour avoir donné le code de départ, et même parfois le remettre à l’écart.
  • Garder de la nourriture intéressante pour lui (“intéressante” étant vérifiée à chaque début de séance) soit dans la mangeoire, soit au sol afin de limiter les conflits de motivation.

Tout le travail a été fait en mini-sessions de quelques minutes, soit entrecoupées de pauses pour manger, soit pour faire des gratouilles.

Partie 4 - Résolution de problèmes : il n'aime pas la sensation de tonte

Si j’ai assez facilement pu tondre pendant 1-2s, il est devenu assez rapidement clair qu’il n’aime pas particulièrement la sensation. En effet, il n’avait aucun problème à rester immobile pendant que je grattais son tendon, ou que j’y passais la tondeuse en marche tant que je ne coupais pas de poil. Sur les zones déjà tondues, il était aussi tolérant à l’augmentation de durée. 

Une forme de masquage est venue nous aider dans ce contexte. Sans chercher à utiliser un stimulus ni positif, ni aversif, j’ai simplement commencé à frotter son membre d’une main, pendant que je tondais de l’autre. Ça demande un peu de coordination, mais ce simple ajout d’un stimulus a eu l’effet escompté : celui de diluer la sensation de tonte, et de nous permettre de passer un autre cap de durée, sans augmenter la valeur de la récompense, ni utiliser de contrainte.

Partie 5 - Le box grâce au tapis

Bien que Pastor connaisse bien le box (il a vécu au box h24 à certains moments de sa vie et il rentre encore au box la nuit), il a toujours besoin d’une phase d'adaptation après une période longue passée au pré h24. Il aborde toujours le retour au box comme une nouveauté et c’est souvent une étape que je commence à préparer 2 ou 3 semaines avant le retour au mode d’hébergement hivernal. Évidemment, lors de la visite vétérinaire, cette préparation n’avait pas été faite et il n’avait vraiment pas apprécié la blague.

J’ai donc utilisé une des activités préférées de Pastor et qui est parfaitement compatible avec les soins vétérinaires : le mat training ! Il connaît depuis longtemps le comportement d’aller placer ses antérieurs sur un tapis, et ce très long historique de renforcement contribue à diminuer le stress car la situation devient connue et beaucoup plus prévisible pour lui. Là aussi, j’ai divisé les étapes

  • Reprise de la partie 4, mais sur le tapis plutôt qu’en immobilité “simple”
  • Répétitions de l’immobilité sur le tapis devant le box (afin qu’il puisse observer l’environnement sans être enfermé)
  • Invitation à rentrer dans le box, nourrir,  ressortir, retour à notre zone de confort, afin de montrer la routine sans risquer d’élever les niveaux de stress
  • Immobilité sur le tapis, dans le box
  • Reprise peu à peu de toutes les étapes, sur le tapis, dans le box

Et c’est gagné ! Lors de cette dernière vidéo, je mélange la manipulation du membre (mouvements lents et longs, comme pour l’échographie) avec la tonte car j’ai repéré une petite zone de poils que j’avais oubliée. Même si cette activité n’est clairement pas devenue sa préférée, la prévisibilité et la construction de chaque étape lui permet de l’appréhender plus sereinement et de comprendre ce qui va arriver./ 

Réflexions globales - Ce qui aurait pu être fait différemment

  • J’ai malheureusement dû accélérer sur les dernières étapes, car j’arrivais proche de la date du rendez-vous. La livraison de ma tondeuse (car je n’en avais pas) a été 
  • retardée plusieurs fois, donc j’ai eu moins de temps que ce que j’avais prévu initialement
  • Si j’avais entamé ce travail avant d’en avoir besoin, j’aurais également pu le faire avec encore plus de choix ouverts sur l’aspect coopératif
  • J’ai parfois choisi de maintenir le travail malgré des circonstances environnementales un peu délétères (beaucoup de mouches, bruits dans les haies qui ajoutent un élément de stress), car ça m’a permis de valider qu’il était capable de continuer à participer à la demande malgré les distractions (comme il tend à y en avoir lors des interventions vétérinaires)
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